Figure absente
Les cimaises de l’Institut Français de Fès abritent jusqu’au 18 juillet 2017 les œuvres récentes de l’artiste peintre Hajar Alami.
Il s’agit d’une occasion propice pour apprécier la démarche stylistique d'art expressionniste voire allégorique : « De belles méditations sur le travail du peintre. Sa perception du corps et de l'âme et sa capacité de s'adapter sont d'une grande délicatesse. A la recherche de la présence des figures absentes... », écrivait un passionné d’art.
Artiste oniriste, Hajar Alami laisse toute liberté à ses états d’âme (goût pour la trace, figure insolite, composition à l’instar de la musique et instantanéité) dépassant ainsi les canons conventionnels de la conception traditionnelle de la peinture et de son cheminement en tant qu’une œuvre finie. Elle développe à sa guise une esthétique semi- figurative ou « semi- informelle » pour traduire ses introspections et impressions, sa propre expressivité à l’état pure. Chaque œuvre- expérience engendre une tendance visuelle au sens plein du terme. Elle réaffirme la synthèse de l’expression picturale gestuelle avec l’élan narratif et combien suggestif.
A l’instar des ébauches et des esquisses, chaque aventure picturale se veut un champ d’expérimentation et d’investigation au rythme de l’approche intuitive. Il s’agit des lettres ouvertes que le récepteur avisé peut lire librement au même titre qu’une répartition musicale. ce qui nous fait penser à la citation éclairée de Marcel Duchamp: « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux !».
Dans ce contexte esthétique , les œuvres exposées à l’Institut Français de Fès sont caractérisées par : spontanéité du geste, emploi expressif de la couleur , symboles préconçus, l'expérience du vécu fait naître l'idée, l'œuvre est le lieu et le moment privilégié où l'artiste se découvre , la représentation du sujet qui devient la finalité de la peinture, la spatialité à travers la vie intrinsèque des indices et des formes (notamment le cercle, les silhouettes bien stylisées et les figures hybrides et métamorphosées ).
L'imaginaire guide le regard subjectif de Hajar Alami vers le langage caché des êtres et des choses , suivant une écriture visuelle qui vacille entre l'esprit dénotatif et l'esprit connotatif , puis qui débouche sur de nouveaux procédés de liberté plastique, allant de la projection multidirectionnelle des couleurs sur la toile jusqu'à leur opacité fragmentaire. L'action picturale de son l'art expressionniste exploite des éléments picturaux, tout en introduisant des signes et graphes qui renvoient à l'automatisme surréaliste ou à une extrême-orientale.
La gestualité picturale renvoie à une nouvelle interprétation colorée d'une figuration allusive. Hajar Alami table sur la spontanéité et la transcendance malgré quelques aspects iconiques dans les espaces picturaux exposées. Elle a su améliorer l’ acte hypersensible de tisser des liens et des correspondances avec la figure présente / visible et la figure absente/ invisible du monde à la recherche d'un fond commun d'art «onirique » et « grotesque», et ce pour remettre en question le rapport entre l’entre et l’existence : « Hajar Alami est originaire de Fès, la ville mystique et la capitale spirituelle et artistique du Maroc. Hajar Alami, artiste autodidacte de la première heure, nous offre en tant qu’artiste peintre, sa sensibilité, qui essaye de mettre en exergue sa vision relative à la nature profonde de l’humanité. Sa démarche se caractérise par une approche moderne ponctuée par le questionnement et la contemplation qui font appel à la création novatrice. », notait Christophe Steyer, directeur de l’Institut Français de Fès.
Elle a dans son actif plusieurs expositions collectives et quelques expositions individuelles ((Festival de la Musique Soufie à l’Hôtel Barcelo à Fès en 2015, l’espace « Café Clock » de la médina de Fès en 2016 et bien d’autres encore.». A l’occasion de la journée internationale de la musique, Hajar Alami expose jusqu’au 30 juin courant aux cotés de plusieurs artistes dont les invités d’honneur sont Abdelwahab Doukkali et Hassan Megri, et ce à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc à Rabat et sous le thème : « la musique : expression et moyen d’inspiration pour les artistes peintres ».
Mouncef Abdelhak ( critique d’art)