La quête de la vérité de l être
Dans le cadre de la troisième édition de la Foire Internationale de l’art organisée au Forum de la Culture
( ex. Cathédrale Sacré Cœur), l’artiste peintre autodidacte Mariem Bennani nous a fait partager son expérience plastique néo figurative, en nous transportant vers un univers pictographique incarné par des états d’âme et des révélations mystiques via des peintures mixtes.
Travaillant sur le corps en transcendance extatique, Mariem, plasticienne alchimiste de Casablanca, nous révèle une palette diversifiée et plus gestuelle d’œuvres inspirées de livres mystiques et de symbolisme expressif loin de toute formalité conventionnelle.
Pictographies finement tracées, productions plus libres reposant sur l’emploi de signes lyriques et de motifs polychromes, mais combien riches des particularités de la mémoire tatouée : Exemple illustre d’une synthèse d'expressions aussi proches que lointains : «mon art présente l’être humain en différents états. Je suis préoccupée par la question de la femme comme source d’inspiration et moyen privilégié d’expression », écrivait l’artiste.
Mariem Bennani, architecte de formation aux Etats-Unis, figure parmi les artistes contemporains qui associent leur art au symbolisme gestuel. Délivré des contraintes canoniques du signe, elle se concentre sur ce qui en fait la force et la spécificité : rythme et harmonie de la composition dans l'espace, tensions et contrastes des lignes entre elles, vigueur et mouvement du trait. Son acte plastique illustre le parfait mariage entre la peinture et la musique dans une ambiance où l'esthétique côtoie le mystique et la transe.
Les peintures de Bennani sont couvertes avec des signes mystérieux innombrables, inspirés de culture ésotérique. Apparemment spontanées, elles relèvent en fait d'une précision, d’une minutie et d'une concentration extrêmes, qui font de l’acte de peindre une source de connaissance de soi, de spiritualité et de paix intérieure : une école de vie qui fait rêver.
La forme, le tracé, l'empreinte et le graphisme des caractères personnalisés déterminent l'aspect visuel éloquent du message plastique et influencent la communication artistique qui tend à rendre visible l’invisible pour mieux conserver la trace d'une vie commune garante de rythme et d'authenticité. Harmonie des facultés et spontanéité permettent donc à l’artiste de libérer ses énergies tout en élargissant son monde esthétique.
Fidèle aux correspondances entre lumière et matière, Bennani cultive des rapports transversaux avec l'espace vécu. Tantôt fascinée par les dessins et formes en transe, tantôt éblouie par le langage fascinant des couleurs et des symboles.. C’est une approche symbolique inédite qui rend un hommage sans cesse vivant à la femme, ses intuitions et ses élévations. C’est dans cet esprit que Bennani puise naturellement dans la fascinante luminosité de la nature intérieure, la féerie des couleurs et son rythme de vie. Son traitement labyrinthique du signe paraît bien hermétique: un art pour méditer, un savoir hors du temps. Mais s’il est tout cela, il est surtout une philosophie de vie, une morale doublée d'esthétique. La main qui manie le pinceau se veut l'instrument d'une quête qui va bien au-delà d'un formalisme harmonieux pour mettre en toile le culte du geste et du trait et la communion des énergies du corps et de l'esprit, et ce via une stylisation progressive de l'écriture subjective et détournée.
Dans une esthétique articulée autour du signe et du corps, Mariem Bennani exploite la rhétorique référentielle de la nouvelle représentation, en élaborant un langage polysémique et connotatif qui joue sur l’ambivalence du vide et du plein voire le symbole du contenu et du contenant : il s’agit aussi d’une jouissance du corps et de l’esprit, véritable voie d'épanouissement.
Dr Abdellah Cheikh
Photo : Algo
DEGUISEMENT par Mariem Bennani
Commentaire d'œuvre picturale présenté par
Hugues AGONDJO-RAZINGUÉ
Déguisement est l'une des trois œuvres que Mariem Bennani a choisi de présenter cette année au sein de la cathédrale Sacré Cœur de Casablanca au Maroc, à l'occasion de la troisième édition de l'exposition collective "Visions".
La jeune artiste casablancaise y représente en plein centre de son tableau une femme qui se tient debout dans une posture intermédiaire entre la position de profil et la position dorsale, laissant ainsi voir sa longue chevelure au vent, son corps nu à peine protégé par un voile blanc quasi transparent la couvrant transversalement des tétons de ses seins jusqu'au bas de la partie visible de ses cuisses et laissant entrevoir les courbes de son corps.
La nudité du corps féminin formé par le pinceau de Mlle Bennani paraît vouloir véhiculer la même notion que la statuaire grecque antique à travers ses diadimènes ou ses discoboles nus lors des jeux olympiques, à savoir l'idée de pureté de l'âme, de transparence des intentions, d'élévation des aspirations psychiques. Ainsi, la femme arabe actuelle, telle que semble la percevoir le peintre casaoui, est mue par une âme purifiée et élevée, par un esprit toujours plus éclairé, plus libre et plus indépendant.
Outre la nudité, cette idée de liberté et d'indépendance grandissantes nous semble étayée par le fait que, Mariem effectue un glissement du voile qui, traditionnellement, déguise la femme arabe qui le porte (d'où, pensons-nous, le titre de la présente œuvre, "Déguisement"), de la tête vers le bas du corps.
De plus, cette femme arabe de plus en plus émancipée exprime ce sentiment de liberté, cet état d'esprit libertaire, par l'adoption, sous l'action du pinceau de Mariem, d'une posture corporelle de détente et de relaxation, à savoir l'étirement de son bras droit au-dessus de sa tête abondamment chevelue, donnant de la sorte au spectateur accès à l'espace intime de ses aisselles.
Les aisselles étant, avec la bouche et quelques autres organes corporelles inférieurs, l'un des "vaporisateurs naturels" des odeurs intimes du corps humain, les odeurs corporelles ou les parfums intimes du corps humain étant souvent considérés comme vecteurs de précieuses informations chimiques sur la présence physique d'un individu en un lieu, lui permettant ainsi de ne pas passer inaperçu auprès des gens qui le rencontrent, donc d'avoir une identité sociale et une existence sociale du point de vue olfactif (propriété chère à l'industrie de la parfumerie), on peut supposer que Mariem Bennani veut nous signifier de cette façon que sa femme arabe en se libérant et s'épanouissant, exhale ou vaporise les messages et valeurs nouveaux et émancipateurs dont son âme est porteuse sous la forme d'un parfum corporel naturel dirigé vers le "corps social" arabo-musulman représenté, selon nous, par la couleur orangeâtre dégradée constitutive du quart supérieur gauche du fond du tableau, couleur que notre esprit associe spontanément à celle du sol désertique, à celle des grains de sable composant les terres arides des zones géographiques désertiques auxquelles correspondent la plupart des territoires de la nation arabo-musulmane (Maghreb comme Mashrek).
En recouvrant de manière plus ou moins légère et dégradée la partie supérieure de son bras et quelques zones de son dos nu de la même couleur orangeâtre dont elle se sert pour symboliser le monde arabo-musulman, Mariem paraît vouloir indiquer à son spectateur l'interaction ou la réciprocité des influences qui s'exercent entre la femme arabo-musulmane et la civilisation arabo-musulmane constitutive de son identité.
Enfin, le vent qui nous paraît être en train de souffler à la fois sur le voile qu’elle porte sur son corps et sur sa chevelure dont bon nombre de mèches flottent dans les airs, nous paraît correspondre à une très fine référence de l’artiste au mouvement révolutionnaire social et politique qui secoue le monde arabo-musulman depuis l’année dernière (2011), à savoir le « Printemps arabe ».
Alors, de Mariem à toutes les autres femmes arabes et musulmanes du monde: « réinventez vos déguisements ».
MEDITATION par Mariem Bennani
Commentaire d'œuvre picturale présenté par
Hugues AGONDJO-RAZINGUÉ
Méditation est l'une des six œuvres composant la dernière série créée par le peintre casablancais Mariem Bennani. Dans cette création picturale, Mariem nous fait explorer la notion de félicité à travers la judicieuse exploitation qu’elle fait de la couleur de la paix et de la sérénité, à savoir la couleur bleue qui y domine fortement, suivant de nombreuses nuances allant du bleu clair au bleu foncé en passant par le bleu turquoise.
Cette sensation de grand bonheur est renforcée par l'idée d'ivresse que véhiculent les bulles aux contours rougeâtres (couleur de la vie et de l'amour) qui remontent du bas du tableau vers le ras du cou de l’âme féminine en état d'extase qui figure en plein centre du cadre et au premier plan, rappelant des bulles pétillant dans une délicieuse coupe de champagne.
La couleur blanche, couleur généralement associée aux idées de pureté, de hauteur spirituelle, de liberté et de ciel, qui domine les périphéries gauche, droite et basse du tableau, nous paraît, quant à elle, indiquer la perception favorable que Mariem a de la relation amoureuse sous toutes ses formes.
Nous sommes fortifiés dans cette idée lorsque nous voyons le dégradé blanc que Mariem crée sur la partie inférieure droite de la lèvre inférieure de son héroïne, couvrant ainsi la couleur de l'amour et de la vie (le rouge) et l'organe de l'amour et du plaisir sensuel (la lèvre) d'un voile et d'une couleur de pureté, et lui conférant par la même occasion des valeurs élévatrices vis-à-vis de la condition humaine.
En distinguant quelques mèches constitutives de l'abondante et longue chevelure bleuâtre de son corps animique par une timide couleur marron, couleur correspondant à la terre, au sol naturel de notre planète, Mariem nous paraît vouloir rappeler au spectateur que, bien que la relation amoureuse revête un caractère essentiellement immatériel et pur, voire intemporel, pour la femme comme pour l'homme éprouvant ce noble sentiment, elle demeure une relation entre deux créatures terrestres dont les corps sont voués à un destin diamétralement opposés à celui de leurs âmes, à savoir le dépérissement.
Par ailleurs, si les yeux sont réellement, comme on le dit, les fenêtres de l'âme, lorsque le peintre casablancais recouvre leurs volets (c'est-à-dire leurs paupières) d'une couleur bleuâtre, elle semble vouloir signifier qu’au sein d’une relation amoureuse, l'âme humaine atteint une pleine quiétude et nage dans les océans de la félicité.
Enfin, l'extrême blancheur de ce visage féminin, rappelant celle d'un masque vénitien, génère en nous l'impression que l'artiste veut, de la sorte, nous dire qu'en matière de relations amoureuses nous portons tous des masques vis-à-vis de nous-mêmes, que nous ignorons l'incroyable potentiel joyeux qui gît en nous et que nous pouvons atteindre, que l'univers éthéré du sentiment amoureux demeure une terre encore mal connue à bien des égards pour la femme, ainsi que pour son conjoint.
Alors, chers spectateurs et spectatrices: "bas les masques".
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