« La Religion est Amour »
Selon un communiqué officiel, la neuvième édition du Festival de Fès de la Culture Soufie se tiendra du 18 au 25 Avril 2015 prochain sous l'intitulé : « La Religion de l'Amour : de Rabiaa, Ibn Arabî et Rumi à aujourd'hui ».
Ce Festival qui se tient chaque année sous le Haut Patronage du Roi Mohammed VI, est devenu un rendez-vous international, une semaine durant, pour la rencontre des cultures du Soufisme et l'exploration et la connaissance d'un patrimoine littéraire, intellectuel, artistique et spirituel d'une immense richesse qui s'est constitué depuis des siècles et a produit des œuvres d'une portée considérable : « Mais le Soufisme n'est pas seulement consigné dans des œuvres écrites ; il est avant tout un enseignement vivant, un enseignement de sagesse qui s'est transmis de façon ininterrompue jusqu'à nos jours. Cette rencontre entre un patrimoine culturel et un enseignement vivant nous renvoie au cœur de la civilisation de l'Islam, dans sa capacité à se renouveler d'une façon créative, à se perpétuer et se réinventer. Une telle voie nous introduit dans un art et une philosophie de vie où peuvent se conjuguer progrès matériel et finalité spirituelle.
Faouzi Skali présente son livre à Jack Lang,
président de l'Institut du Monde Arabe (IMA)
C'est dans une telle perspective que l'on peut se poser la question de la place de l'amour dans cette civilisation. Mais il faut entendre ce terme dans le sens le plus large possible, à la fois humain et divin, humaniste et spirituel. Cette philosophie de l'amour traverse toute l'histoire de l'Islam et donc du Soufisme, depuis sa fondation. Elle fut portée par des chantres magnifiques tels que Rabiaa al Adawiya, Ibn Arabî ou Rumi, mais aussi plus près de nous par Ibn al Farid, Al Shusturi ou Al Harraq ou encore des poètes, des enseignants et des Cheikhs toujours vivants.
C'est une philosophie, une voie de connaissance et de sagesse qui a beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes aujourd'hui et qui peut irriguer nos âmes souvent desséchées dans un monde où prédomine une idéologie matérialiste extrême. Mais il s'agit d'une vois profonde, complexe, subtile, comme en font écho les nombreux traités et poésies ainsi que les chants de Samaa qui nous parlent de cette recherche d'amour et de vérité, de cet envol de l'âme dans le ciel, de la conscience pour atteindre aux significations les plus profondes de cette quête et de notre existence. Cette année nous survolerons différentes cultures, d'Orient et d' Occident, à la découverte de cette géographie de l'amour, à travers des conférences de spécialistes du Soufisme Arabe, Africain ,Amazigh, Turque ou Persan.Nous avons aussi le plaisir de réaliser cette prochaine édition en collaboration avec Roderick Grierson, président de l'Institut Rumî, désormais domicilié depuis quelques mois à Fès.
Nous recevrons bien entendu pour chaque soirée de Dhikr et de Samaa des confréries soufies de différentes cultures et de différents pays du monde. Nous avons voulu, pour cette nouvelle édition, que le patrimoine de la culture Soufie Amazigh soit particulièrement à l'honneur. », précise Faouzi Skali, président de ce Festival consistant et imposant au Maroc. Et d’ajouter : « Dans le fracas de l'actualité il n'est pas aisé de rappeler cette simple réalité, la Religion est Amour. S'agissant de l'Islam une telle affirmation est pour beaucoup inaudible. Notre objet n'est pas pourtant d'initier ici un énième discours sur les vertus de tolérance et d'ouverture de ce troisième rameau de la tradition abrahamique. Il faut aller bien plus loin et au-delà d'une attitude personnelle. Il faut apporter, depuis l'aube de cette tradition à nos jours, le témoignage vivant de cet Amour, de ses mystères, de son œuvre. Il a été vécu, chanté, décliné dans toutes les formes de vie et d'action par une chaîne interrompue de femmes et d'hommes à travers différentes cultures. L'Amour a été considéré comme la plus haute réalisation de la spiritualité et de la foi. L'Amour du prochain, l'Amour de l'autre, l'Amour du Tout- Autre, et qui nous est pourtant plus proche de nous que nous mêmes. De cet Amour que Rabiaa place au-delà du Paradis et de l'Enfer et dont Rumi atteste de l'embrasement et la dévastation («J'étais cru et ensuite cuit, disait-il, je suis maintenant consumé») Ibn Arabî attire notre attention sur le fait qu'il restera pour toujours un mystère.
C'est pourtant aux pieds de ce guide invisible qu'il remettra les clés de son âme : « En quelques direction que se tournent ses montures l'Amour est ma religion et ma foi ! » De cet Amour que reste-t-il aujourd'hui? Il est, comme disent les Soufis, un océan et une soif intarissables. Il faut se détourner des caricatures des religions pour se plonger dans les textes, la poésie, les témoignages d'action et de vie, qui en irriguent le cœur et l'esprit. Et se plonger plus encore dans les expériences ineffables et intimes que les gens de l'Amour distillent autour d’eux, tous les jours, hier comme aujourd'hui. Pressé de s'expliquer sur sa déraison le Majnoun de Layla répondait à ses contempteurs qu'il n'y avait de saveur dans la vie que pour ceux dont cet Amour s'est saisi. Mais il reste une question essentielle. Comment cette énergie d'amour peut fonder un vivre ensemble, une société ? Et au-delà encore, dans cette extrême diversité du monde, instiller plus d'empathie ou de fraternité ? C'est à une telle réflexion, à cette agape, que nous sommes cette fois-ci invités. ».
Ahmed Tarek