A la Galerie de la Fondation de la Mosquée Hassan II à Casablanca
Exposition en hommage à Chaïbia et Meriem Mezian
La Galerie de la Fondation de la Mosquée Hassan II à Casablanca abrite une exposition collective de vingt femmes artistes peintres, tous styles confondus, et ce du 28 mars au 8 avril 2011 en hommage à ces deux figures emblématiques de l’art marocain contemporain de renommée internationale: Chaïbia et Meriem Mezian.
Pionnière de l'art singulier
Coloriste de grand talent et créatrice d'une oeuvre intuitive, Chaïbia fut la plus grande artiste du XXème siècle au Maroc. Réputée pour son franc-parler et son art onirique, elle a révolutionné le monde de l’art en général et le monde de l’art marocain en particulier, en introduisant une nouvelle conception de la peinture moderne. Cette artiste de renom est cataloguée parmi les précurseurs de COBRA, mouvement moderne né en Europe en 1945, dont les ténors étaient Appel, Corneille et Constant.
Il s’avère très important de souligner qu’un tableau de Chaibia a été exposé à coté de celui de Le Corbusier (grand Architecte, urbaniste, designer, peintre et écrivain de renom. En 1918, il a fondé le purisme, critique du cubisme et retour au dessin rigoureux de l'objet. Chef de file du mouvement moderne, il a laissé à la postérité de nombreux écrits.), et ce à la Maison de la Culture à Berlin en 2008 : « Le site de l'organisation de la seconde exposition est une série de contrastes relatifs à l'effet rhétorique à travers les expositions. Il y a l'étendue des données rhétoriques ainsi que le désordre aperçu dans la photographie documentaire. Le discours académique contemporain informel de la caméra aussi bien que le discours du film à caractère de propagande de l'époque. Le plus flagrant aspect de ces contradictions est apparemment les deux tableaux exposés .a/ Le Corbusier, b/ la peinture de l'artiste marocaine Chaibia. Le Contraste est flagrant : Le Corbusier exposant l'oppresseur colonial masculin, il peint une femme au buste nu qui représente les rêves orientalistes. En second plan, Chaïbia une artiste autodidacte marocaine qui a grandi dans les ban lieux de Casablanca, elle a été prise en charge par les conservateurs des musés français, où elle avait un lien avec le groupe Cobra. Elle montre une femme enveloppée d'un drap blanc. Cependant, son travail prendra sa source du mythe par lequel Le Corbusier s'inspire. Particulièrement, l’Afrique du Nord, l’espace de sensibilité Matissienne. », indique le texte de présentation de cette exposition.
Il est à rappeler qu'autour des oeuvres de Chaibia , cinq créatrices de renommé internationale ont présenté leurs peintures liées à l'enfance, à la nostalgie et à la vie au sens onirique du terme : Danielle Le bricquir, Huguette Machado-Rico, Michelle Odelin, Simone Picciotto Samarkande (sculptrice).
Toutes les œuvres de ces " Etonnantes Créatrices" présentées dans l'espace du" home'Art" cherchent à partager des émotions en inventant un monde qui parle directement au coeur et à l'esprit.
A titre de reconnaissance, Danielle Le Bricquir a écrit au fis de la défunte Houssein Tallal :" Luis Marcel nous a fait la joie de sa présence avec une conférence sur Chaïbia tout à fait merveilleuse qui va rester longtemps dans le coeur de chacun.
Je suis heureuse de faire aimer Chaïbia, car c'est le peintre qui a décidé de ma vie. J'hésitais entre peindre et écrire. Un jour, par hasard (y a-t-il un hasard?) je suis tombé sur une brochure de femmes peintres parmi elles se trouvaient des reproductions de Chaïbia et ce fut le coup de foudre! J'ai abandonné le stylo pour choisir définitivement les pinceaux".
Retour aux sources
Nom incontournable de la figuration académique, Meriem Mezian.
a su élaborer un style personnalisé marqué par la profondeur et la quête identitaire conditionnée par l’identité universelle et un retour aux sources. Hypersensible, elle gère tout un espace pictural qui nous fait penser à Fès, à Marrakech, au Rif, au Cordoue et à Séville, et ce par rapport aux diverses Andalousies. Sa peinture allusive met en relief une nostalgie qui reflète le regard profond du Maroc pluriel via le mouvement et la vie des couleurs et des paysages. Elle a pu créer l'alchimie des couleurs et des scintillements, en donnant une âme aux personnages, et mettant en scène les détails et l'effet de miroir. Elle a exprimé sa passion pour sa terre natale qu'elle dépeint avec doigté et minutie.
Armée simplement de sa grande sensibilité et anthropologue avisé, la défunte a été un témoin de son temps dont l’œuvre demeure une plate forme pour scénariser le pinceau, la gouache. Meriem Mezian a été considérée comme le chantre des fresques intérieures du monde arabo-musulman, voire l'ambassadrice attitrée du Maroc, une figure illustre de sa culture et de sa civilisation. Elle incarne une culture à dimensions multiculturelles : berbère, arabe, marocaine, hispanisante, éclectique aussi dans ses choix d'artiste et tout aussi populaire dans sa générosité.
Sujets de prédilection, les femmes dégagent une intimité finement tracée et engagent une profonde quête quasi personnelle. Halo de mystère et monde visuel autonome, la peinture pour Mezian est un hymne à l'humanité dans tous ses états d’âme.
Un voyage dans le temps et dans l'espace, l’art se veut le miroir d'une exigence : porter comme un blason, un style et une écriture limpide et pénétrante. Son nom restera gravé dans les annales de la peinture internationale, il porte la marque profonde d'une signature, d'un visage noble et rayonnant.
La peinture de Meriem est un carrefour qui nous ouvre un musée imaginaire et une voix du silence. C’est l'occasion de traduire l'émotion ressentie par les passionnés des arts plastiques après la disparition de l'un de ses membres les plus représentatifs de la peinture marocaine. C'est aussi un témoignage à la mémoire de cette artiste avec laquelle nous avions partagé tant d'espaces artistiques où la création était l’univers d'expression commune.
Artiste de renommée nationale et internationale, ambassadrice de la peinture marocaine durant toute sa vie artistique, Meriem est bénéficiaire d'une haute distinction culturelle nationale ne peut que faire l'objet d'égards à titre posthume. Elle est un élément de l’expression, de notre histoire culturelle qui a permis l'émergence de valeurs emblématiques dont le rayonnement a dépassé l'enceinte nationale pour imposer une forme picturale au delà des frontières, au delà des océans. Sa certitude était son nomadisme bâti sur le dialogue, la défense des droits de l'homme, la lutte contre l'exclusion, contre l'injustice, l'engagement pour un monde meilleur.
Chaïbia et Meriem Mezian ont rendu l'âme. Mais leurs toiles auxquelles elles ont savamment mêlé poèmes et magie chromatique ainsi que leurs carnets de voyage témoigneront à jamais de leur incontestable talent.