Les traces de la mémoire de Leïla Cherkaoui
Hassan Nour (critique d’art)
La 11ème édition du « Parcours d'Artistes » organisée récemment à Rabat au sein de six maisons de quartier proches les unes des autres a été marquée cette année par l’exposition des œuvres représentatives de Leïla Cherkaoui,
Mohamed Mansouri Idrissi, Redouan Kerkri, Touria El Habchi, Abdel Aziz Amrani et Abdellah Bellouarak. En vogue dans quelques grandes villes d’Europe, ce parcours passionnant est offert au public au travers de quelques facettes de la peinture marocaine contemporaine dans l’objectif de permettre de « rencontrer les créateurs et d'admirer leurs œuvres » et de « donner à des artistes marocains la possibilité d’exposer leurs créations » au sein de résidences qui se transforment le temps d'une journée en lieu culturel et artistique grâce à l'initiative de la Délégation Wallonie-Bruxelles au Maroc, par des diplomates et expatriés impliqués dans la vie culturelle nationale.
Chantre de la trace iconographique, l’artiste peintre Leila Cherkaoui peint son espace vécu, interprète le monde intérieur comme elle le voit et le conçoit. Entre traces et réminiscences, son acte plastique donne à voir les rythmes des formes et des couleurs et laisse l’imagination du regardant voyager à sa guise. Loin des registres figuratifs classiques, les toiles de cette artiste oniriste captent les mystères de la lumière et transcendent les apparences du réel pour nous dévoiler des états épurés et le désir de spiritualiser la peinture néo-figurative, tout en traduisant des éléments latents et nostalgiques de notre mémoire collective : «Je tiens à saluer vivement cette initiative prise par la Délégation Wallonie-Bruxelles au Maroc qui contribue davantage à la promotion des arts plastiques dans un esprit de dialogue, de retrouvaille et d’échange interculturel. Ma peinture essaie d’immortaliser les traces fugaces de la lumière à travers les formes et les couleurs.», nous a confié l’artiste.
Être de lumière, Leila Cherkaoui traduit, avec une grande sensibilité, ses sensations, ses pensées, ses états d'âme et ses élans et nous entraîne dans son sillage vers des jardins secrets et des émotions profondes. Discrètement et au rythme d’un silence intrigant, elle révèle une partie d'elle-même, nous invite dans son espace intime à partager avec elle sa vision de la vie et de l'univers.
Les couleurs et les formes géométriques fragmentées que son pinceau couche sur ses toiles en disent long sur les sensations qui l'animent. Le blanc, le noir, le bleu et le gris qui prédominent dans ses œuvres connotent la simplicité recherchée de l'artiste et sa quête de plénitude et de purisme. Du coup, ces nuances donnent vie à ses tableaux et leur insufflent un nouveau souffle. Toutes les œuvres nous révèlent des préoccupations esthétiques et spirituelles. L’artiste revient toujours pour nous proposer le fruit de ses nouvelles recherches et investigations visuelles. Elle nous invite à contempler un langage polyforme qui ne se complaît pas dans un style stéréotypé ou une expression canonique, pour ne pas dire stérile. Un langage épuré qui ramène la trace à l’essentiel, dessille le regard et suscite la méditation et la réflexion. Leila Cherkaoui à l’écoute attentive de la vie énigmatique des formes et en quête de la poétique des traces qui font rêver. Elle travaille sans cesse à faire valoir une mémoire tatouée toute personnelle selon une rhétorique de palimpsestes et mises en abîme. Il s’agit d’une mémoire qui se présente comme une matrice de spatialités et temporalités voire un carrefour qui s’ouvre à la pluralité et à la diversité. Ainsi, cette artiste enrichit notre culture plastique, alimente notre identité visuelle et participe activement à l’épanouissement de notre état d’être.
Légende : l’artiste avec la responsable de la culture à l’Institut Italien de Rabat.