Nawal Sekkat expose à Casablanca

Le flux et le reflux de la couleur
Les cimaises de la Galerie  Art Hall de l’Hôtel Art Palace  à Casablanca  abritent  jusqu’au 13 avril 2011 les œuvres récentes  de l’artiste plasticienne  Nawal Sekkat (né à Fès en 1973),  lauréate  de l’Ecole Technique des Arts Plastiques  de Casablanca et membre fondateur  de l’Association  « Ambre Maroc ».



Cette artiste peintre et sculpteur,  nous fait voir   une   peinture  gestuelle  et bien recherchée  axée  sur    l’  expression libre  et  l’élan abondant des couleurs et des formes. Elle  extériorise  les états d’âme instantanés et extatique dont la forme archétypale récurrente est la flamme.
Après avoir peint avec adresse et sensibilité des scènes pittoresques de l’Atlas  et celles  du Maroc profond,  Nawal Sekkat donne libre cours à sa faculté conceptuelle et imaginative, en  
tissant dans un flou lointain  un monde  lyrique  et informel et en mettant en scène des spectacles et des rythmes de sa nature intérieure.
Ses œuvres connotatives mettent en  toile le corps et  l’élan à travers un langage symbolique riche en messages et sens. Chaque œuvre relate une histoire et dégage une lumière cosmopolite.  
La toile  labyrinthique est considérée   comme une arène dans laquelle agir, plutôt que comme un espace où reproduire, redessiner, analyser ou exprimer un objet, réel ou imaginaire. Ce qui naissait sur la toile n'était plus une image mais un  geste débordant qui émane de la vie intrinsèque et substantielle. Le jet spontané de la couleur   en tant que leitmotiv est né d’une idée de soi très profonde chez  cette artiste oniriste. Ainsi,  le temps, l’être et l’espace,  l’identité  invisible et la relation subjective  au monde sont des données fondamentales. Le principe qui soutient  le langage   informel  est l'autoréférentialité de l'œuvre. Le tableau ne réfère plus qu'à lui-même. C'est en quelque sorte la spécificité du médium. Nawal Sekkat libère la peinture des contraintes du réalisme. Le médium pouvait donc prendre une orientation moins définie, plus abstraite, qui se rapprocherait davantage de la musique pure.  Elle  cherche  à reproduire rythme et harmonie.
Un univers éloquent


La  quête  spirituelle conduit Nawal Sekkat à explorer toujours plus avant les territoires oniriques et à produire des œuvres qui déroulent comme malgré elles des narrations. Chaque tableau mêle mémoire et histoire, passé et présent. Elle nous expose son expressionnisme abstrait qui  n'est pas une école mais une  tendance  et une communauté   de convictions partagées par certains peintres venant de la figuration.  Dans le sillage de Wilhem de Kooning, elle présente des œuvres ouvertes, non-finies, grâce à des procédés  comme fragmentations, éclaboussures, effacement.  Elle nous montre les vestiges de nos rêves  et nous donne bien à penser qu’il y a différentes manières de voyager. Les toiles  déclenchent l'imagination créatrice et laissent conduire par les sensations  de couleurs fuyantes et de tous les tons de terre brûlée. Eluard a écrit un jour : " La terre est bleue comme une orange". Ainsi par delà l'espace et le temps de la mémoire ou des associations d'idées règnent dans cette œuvre l'alchimie des détours de l'esprit et celle des désirs enfuis. Qui donc dira ce qu'il reste du voyage quand il approche de son but ? Seule la musique des couleurs, et le rythme des formes ou la mesure du trait nous informent encore, au bord du chemin. C'est au sujet des vestiges de nos plus anciens rêves que l'artiste nous parle ici. Ceux là même dont plus personne, et peut-être pas nous-mêmes, ne se souvient.
Sur cette démarche  expressionniste révélant le souffle de l’âme, Michel Hergibo, professeur conférencier  d’art plastique  et artiste peintre, a bien écrit : «   Malgré les apparences, il serait inexact de qualifier la peinture de Nawal Sekkat d’abstraite. Cet adjectif qualifie une image qui ne ressemble en rien à la réalité, or les œuvres de cette artiste montrent au contraire un travail sans cesse approfondi sur des réalités parfaitement palpables : les quatre éléments.
Dans ses toiles se rencontrent et se pénètrent la terre, l’eau et le feu, souvent transcendés, transmutés en ce quelque chose d’indéfinissable qu’on appelle l’air. Je qualifierais donc (s’il faut absolument le faire) son langage plastique d’informel.
Dans son travail plastique (peinture et sculpture), Nawal Sekkat se sert de la réalité, des formes et des matières merveilleusement composées  pour s’en délivrer et atteindre l’informe, c'est-à-dire la partie secrète, contenue dans l’infinité de la matière. Sa peinture  à l’instar de sa sculpture (plexiglas et ardoise) s’insinue vers le dedans jusqu’à l’invisible. Ses gisements de couleurs s’apparentent aux nappes phréatiques mystérieusement utiles à la vie. ».

En améliorant davantage  la qualité de son acte plastique en accentuant son harmonie, Nawal Sekkat intègre dans ses peintures de nouveaux matériaux  qui dégagent   les  valeurs du temps. Ce procédé  personnalisé, qui n’appartient qu’à elle, est un moyen de conférer, comme par magie, à ses univers expressionnistes une renaissance, une vie nouvelle, tout en gardant l’empreinte du passé et de la mémoire. C’est bien là, comme disait Michel Hergibo,  le but et l’originalité de sa démarche : se servir du temps pour créer un présent novateur.
Membre actif  de l’Association Marocaine des Artistes Plasticiens  doté d’un dynamisme diligent,  Nawal, au courant de son parcours,  participe à différentes expositions nationales et outre-mer  et collabore activement à l’organisation d’évènements culturels : « L’originalité de sa démarche est de « se servir du temps pour créer un présent novateur », confie Selma Aladlouni, commissaire de l’exposition. C'est  une artiste peintre-gestuelle  du mouvement qui évoque la nature universelle des aspirations humaines.

Photo : Algo